Souvenirs Perdus ? [Ayden]

Les légendes magiques comptent milles et une histoire des plus fantastiques. Fantastiques, certes, mais pas imaginaires. Némésia recèle encore bien des secrets dans ses profondeurs maternelles, inconnus des civilisations résidentes et maîtresses de ses terres. Némésia la Belle. La Puissante. La Sainte mais aussi la Mystérieuse.

On raconte encore, parvenus de ces vieux conteurs de la contrée némésienne, une fable, un récit lointain. Sûrement reformulé, déformé avec le temps. Jeunes elfes, petits humains, jeunes nains connaissent ce précepte, cette histoire de Merenwen, l’elfe aux larmes d’argent. Anéantie par la perte sanglante de son aimée, certaines versions raconteraient sa mort par la main sans pitié de Mordath, d’autres racontent un sort que Merenwen aurait mal interprété et encore d’autres disent qu’il a donné sa vie pour sa dulcinée. Mais le résultat, le dénouement en est toujours le même…on raconte que cette elfe s’est réfugié dans une clairière de la forêt d’Anilmandel et que là des gouttes d’argent ont naquis de ses yeux, coulé le long de ses joues, sur sa peau d’albâtre pour enfin venir s’écraser sur le sol terreux. Elle aurait pleuré pendant 100 jours et 100 nuits la mort de son amant humain avant de mourir de désespoir et sombrer en statue d’or dans le lac qu’elle avait fondé de ses larmes magiques. Depuis se jour, une éternelle cascade à la source inconnue se déverse dans ce lac où le trésor et le cœur de l’amour de l’être éternelle bat encore pour l’amoureux défunt…Il battra à jamais.

Les réceptions de Mild’or étaient réjouissantes lorsqu’on aimait côtoyer les grands spectacles de magie, les défilements des glorieux guerriers elfes et lorsque le Roi d’Aerandir parlait par sa sagesse incontestée. Mais Elerinna, fille princière, n’avait plus le goût à se laisser tournoyer au milieu du Palais Eternelle sous les artifices de magie. Elle s’était de nouveau échapper pour revivre sous ses seules et propres effluves de magie qu’elle laissait glisser dans son corps de jeune elfe, laissant s’évader au bout de ses doigts longs et fins. Laissant de nouveau son regard évasif s’emprunter sur la demeure royale illuminée par les flambeaux de la nuit et ses étoiles lumineuses. Puis, la silhouette disparue sous l’ode des feuillages et de la forêt d’Anilmandel. Elle poursuivit ce chemin qu’elle connaissait par cœur, presque les yeux clos. Sa main effleura alors l’écorce d’un arbre, la trace légère de sa main fit fleurir sur le tronc un petit bouquet de petites fleurs bleues, brillantes sous un éclat des plus beaux cieux. Elle ne vit pas cette ouvrage qu’elle venait d’opérer et continua son ascension vers où son cœur, son âme lui indiquait d’aller.

L’étang scintillant et le son de la cascade magique apparurent enfin devant elle dans une inégalable splendeur nocturne. Elerinna avait pourtant vu ce spectacle tant de fois dans des nuits solitaires, mais les moments étaient uniques et différents à chaque fois. Et ce soir, le décor était encore plus merveilleux, des plus enchanteurs. L’eau du lac était aussi calme, limpide qu’il y a quelques jours alors qu’elle était venu se recueillir. Toujours aussi claire et pure, de minces filets d’argents faisaient défaillir la vision, tout était si magique…si beau. Aucun mot n’était capable de décrire ce spectacle. C’est pourquoi, Elerinna s’approcha du bord, s’accroupit au bort, laissant ses pieds frôler délicatement la mousse. Elle posa une main plate sur les vagues silencieuses. Doucement, des paroles elfiques, dans un murmure, s’échappèrent de sa bouche rosée, pour s’évanouir dans l’air envoûtant, dans une mélodie parfaite pour l’ouïe attentive. Elle retourna sa main, une brume s’évapora dans l’atmosphère du bout de ses phalanges, des lucioles dorées se distinguèrent et allèrent survoler le lac dans une danse éperdue au milieu des larmes d’argent éternelles.

La Princesse se releva lentement et regardant l'envol de ses alliées sur la surface aquatique. Un tendre sourire vint se dessiner sur ses lèvres. Toisant avec émerveillement cette touche d’originalité qu’elle avait offerte cette nuit au lac de Merenwen, elle laissa son arc tomber dans l’herbe fraîche, ses flèches, retira ses parures dont sa longue robe légère de voilage d’un blanc transparent et pure…Tout aussi innocente qu’elle. Le tissu s’élança dans un bruit de froissement au sol, glissant le long de ses cuisses, découvrant ainsi sa peau d’or, miroitante à la Maîtresse nocturne, la Reine Lune. Munie d’un simple bandeau blanc qui recouvrait sa poitrine et un second qui couvrait parfaitement ses parties intimes plus basses, Elerinna dénoua ensuite la longue tresse de ses cheveux pour libérer ses mèches d’or sur ses reins, dans une cascade des plus enivrantes. C’est ainsi qu’elle plongea de la berge dans l’eau tiède du bassin d’argent, ne faisant pas un bruit, laissant l’eau parcourir et recouvrir son corps.

C’était là qu’elle se sentait le mieux, sous cette eau enchanteresque, laissant son corps s’allier aux sillons aquatiques et nageant, mimant cette danse de sirène dont elle adorait émaner de son corps, sans contrainte aucune. Elle ferma les yeux, sentant la magie se produire autour de ses membres agiles, dans une luminosité fine de diamants et d’or. L’eau était en parfait accord avec elle. Si bien qu’elle en oublia ses obligations, son statut. Seule la magie que sa mère lui avait léguée dès sa naissance vivait. La Princesse n’existait plus, seule l’elfe magicienne et l’enfant perdu renaissait. L’enfant…Oui la petite elfe aux prunelles d’argent. Elle ferma les yeux alors qu’elle avançait toujours sous cette eau limpide et curative. C’est alors qu’elle ressentit cette main qui l’avait autrefois tenu fermement et tendrement dans la sienne, cette petite main d’un jeune garçon de son âge, autrefois, si lointainement. Et ce regard de braise où les plus beaux joyaux n’avaient pu briller que dans ses iris là. Et une caresse sur sa joue…un doux baiser, pareillement aux battements d’ailes frénétique d’un papillon, sur son front juvénile.

Ayden.

Brusquement, Elerinna se réveilla, faillant à perdre pied. Elle suffoqua et revint vivement, apeurée à la surface. Complètement décontenancée, la jeune elfe réapparut à la surface cherchant autour d’elle une réponse, une présence qui aurait pu trahir ces souvenirs qui venaient à nouveau de la capturer. Pourtant, seul le paysage magnifique et les divines lucioles tournoyaient sur l’étang, toujours aussi calme et tempéré. Le souffle haletant, son regard scruta les abysses autour d’elle. Elle fut comme perdue.

Brusquement, un bruit de feuillages, dans les buissons sombres, très distinct la fit sursauter. Avec prudence, sous les sons des bruissements de l’eau, Elerinna rejoignit la berge où sa robe et son arc y avait été posé. L’eau découvrit son buste mouillé, toujours couvert partiellement par le tissu, puis son ventre où l’argent des larmes glisser avidement. Elle avait enfin pieds. Les yeux de l’elfe cherchèrent encore la présence qui aurait du se manifester, une anxiété certaine dans le regard. Peut-être était-ce encore Isil, son amie, qui lui faisait une de ses farces, où un de ses frères qui la cherchait comme à leur habitude lorsqu’elle avait l’idée de fuir.

« Isil, si c’est toi, sors de suite ! » lança enfin Elerinna, avant de continuer alors qu’elle regagner le bord. « Mahtan, je sais bien que papa t’envoie toujours me surveiller ! ».

Mais personne ne répondit, aucune silhouette ne se dénonça.
Toujours dans l’eau, elle tendit alors la main sur le tas de feuillus où régnait encore son arc. Et alors qu’elle atteignait le bois lisse et infaillible, une autre main attrapa l’extrémité de son arme. Une main aux traits elfiques mais brouillée par une autre race.

« Elbereth… » Murmura-t-elle tout bas en appelant son arc.

Son regard d’argent, aux perles malicieuses d’une dorure parfaite, se leva alors sur son inconnu, celui qui venait d’interrompre son souffle cadencé…

"Elrinna! Tu triches encore!"

Le jeune garçon faisait sa mine boudeuse, tandis que la gagnante du grand jeu venait se congratuler devant lui, signe de sa grande victoire face a un humain. Les deux enfants étaient proches depuis leurs naissances. Enfant de Roi, promit a un avenir des plus brillants, les enfants bénis des dieux passaient le plus clair de leurs temps a gambader dans les jardins célestes, ou a Mild'Or. Ayden, fils de Barrius, regardé sombrement sa concurrente qui venait encore une fois de remporter leurs jeu de "Cache Cache". Habituellement, la Princesse laissait sa magie de coté, mais le garçon trouvait toujours a redire quant a la bonne fois de l'elfe... Comment arrivait elle a le trouver si facilement?! Le grand mystère de la vie, pour des enfants de 7 ans, qui découvrait un vaste royaume, comme on découvre un terrain de jeu.
La petite fille tournait maintenant autour du Prince, en chantant dans sa langue natale, un conte que les deux enfants avaient pour habitude de se chanter avant de dormir. Ayden fronça un peu plus les sourcils, pour finalement croiser les bras sur sa poitrine.

"Je suis sure que tu utilise encore ta magie!"

Râleur, il tourna le dos à la jeune fille, qui rit de manière si cristalline, si joyeuse, que très vite le sourire apparut sur le visage pourtant fermé du jeune prince... Lentement, ce sourire ce termina dans un rire d'enfant, tandis qu'il se tourné vers la princesse, dansant maintenant avec elle, chantant ce conte plein de sens.

"Viens, je veux te montrer quelques chose!"

Le prince prit alors la main de sa compagne de jeu, et courut au travers des bois de la foret des abords du palais Céleste, lieu de vie du Roi des Rois et de la famille De Fynn. Traversant sans ralentir les bois, ils arrivèrent enfin a destination, et devant eux, un paysage unique se présenta... Le Lac Blanc, entourait de sa foret verdoyante, capturé l'attention, venait attirer l'œil indéniablement, rendant un superbe contraste de plénitude enchanteresse... Doucement, la main du prince se glisse dans celle de L'elfe, croisant ses doigts dans les siens, gardant sa paume chaude tout contre la sienne, serrant un peu pour augmenter encore l'intensité du contact. Tournant lentement le visage sur son amie d'enfance, Ayden lui sourit...

"C'est ici Elrinna, oui c'est ici qu'on se trouvera si on se perd un jour! Je t'y attendrais..."

L'instant est magique... Elrinna jouait elle encore avec ses pouvoirs?... Le temps s'était arrêté, fixant ce paysage, son visage, son sourire, dans d'eternels souvenirs merveilleux. Prudemment, le Prince avance son visage, un ses lèvres prennent contact de la joue douce et jeune de la princesse héritière...

Elrinna.

Le soleil frappa sans prévenir la pièce sombre de toute lumière. Entrant par la seule et unique fenêtre, venant glisser le long du corps étalé sur le lit qui orné la chambre Princière... Le jeune homme allongé dessus, sentit cette chaleur le caresser, le sortir peu a peu du monde des songes, qui lui convenait pourtant si bien! Ouvrant un œil, le Prince Ayden, Héritier de la couronne des 4 cités se redresse alors sur son lit, soupirant... Qu’avait-il rêvé cette nuit? Une chose merveilleuse, et pourtant si lointaine, un souvenir de gosse, insouciant, et complètement inconscient des responsabilités de son rang. Aujourd'hui adulte, le Prince n'avait plus le temps pour rêvasser et se poser de nouveau sur cette fameuse falaise de Némésia, ou il avait mené un jour, celle qui été encore gravé dans le plus profond sentiment Humain... Un mince sourire a ce souvenir, avant qu'il ne se redresse sur le lit, se levant finalement, sa tunique courte lui couvrant uniquement les reins et les jambes.

Marchant pied nues sur les pierres froides, Ayden sortit de sa chambre, croisant la garde devant sa porte, en stationnement toute la nuit et a n'importe quelle heure du jour, dans l'unique But de garder en vie, le future Roi des Rois. Il leurs adressa un salut des plus bâclé, encore dans l'effet de l'endorphine, avant de se diriger vers les appartements des Couverts, lieu de repas des Seigneurs du Château. Entrant finalement dans l'immense salle à manger, il y trouve son père, accompagné du Général Glovers, le stratège et conseillé de Barrius... Tout deux vêtues en armure d'apparats... Les yeux écarquillés, le jeune prince se trouve dans une situation, qui excéda son père, ce dernier soupirant longuement...

"Je suis Persuadé que tu as oublié..."
"... Oublié?..."
"Nous partons pour Mild'Or Prince, rencontrer Aldaron d’Aerandir, qui organise une cérémonie. Ce sera le gage de notre amitié envers les elfes et leur gouvernant."

Ayden se renferma sur lui même... Encore une fois, il venait de briller par son oublie.. Mais tellement de chose pesée sur ses épaules aujourd'hui, que certains détails lui échappaient encore. Il se ressaisit, et s'avançant vers la table centrale, il y prit un verre de thé, pour enfin se tourner vers la sortie.

"Je serais à l'heure...»

Et enfin il quitta le lieu de la grande mascarade, soupirant de son incompétence...
Dans la pièce, Le roi Barrius regarda son fils unique quitter les lieux, un regard étrange envers celui qui était la chaire de sa chaire, digne hérité de sa race disparut aujourd'hui... Sans même se tourner, il prit la parole, adressant ses mots a son fidèle compagnon d'arme...

"Je désespère de le voir un jour prêt Glovers.."
"Il est encore jeune Sire, laissez lui le temps, il va murir..."
"Je ne veux pas rater l'occasion de voir Aldaron. Nous devons mettre certaines choses aux claires... Et remettre de vieilles querelles de cotés."
"Allez-vous lui en parler Sire...? De..."
"Oui. Je ne lui cacherais pas, le sort du Royaume est en jeu."

Les deux hommes se regardèrent, laissant planer un lourd silence, qui se posa sur la pièce, comme pour annoncer des temps difficiles à venir.
Ayden, lui, se dirigeait en toute hâte vers les bains… Il y croisa son ami, et précieux aide de camp. Kiryos, Humain de naissance, était le fils du forgeron Royal, était toujours jovial, de bonne humeur, mais oublié parfois son rang. Le prince lui adressa un regard sombre, avant de se jeter dans l’eau chaude des sources…

« Tu aurais put me prévenir Kiryos ! »
« J’ai bien essayé hier soir, mais tu étais ailleurs... Qu’importe, nous partons dans une heure Sire, tu as tout ton temps »
« Pas de « sire » ! »
« Ton père m’en voudrait de ne pas t’appeler par ton rang Prince Ayden »
« Idiot »
« Alors ? Qu’est ce que cela fait de se rendre a Mild’Or ? Lieu ou tu as passé de nombreuses années… Auprès d’une si jolie princesse ? »

Ayden laissa un long soupir s’échapper, tandis qu’il glissait le long de l’eau chaude..

« Pas sure qu’elle se souvienne de moi… »
« Allons, ne soit pas défaitiste Prince, je te connais plus valeureux ! »

Comme seul réponse, Ayden sortit enfin de l’eau, lavé, prêts a s’habiller pour suivre le cortège Royale du seigneur Barrius… En armure scintillante, aux armoiries de sa famille, le jeune homme avait fière allure, mais une petite mine, a mesure qu’ils approchaient peu a peu de la cité millénaire, la cité des Elfes, Celle d’Elrinna. Allait-elle se souvenir de lui ? Se pourrait il qu’elle n’ait gardé aucunes trace de cette relation entre deux enfants ? Son cheval avança alors au plus prêt de la diligence des seigneurs, se portant aux coté de sa mère, la belle Dephina, Une elfe de naissance. Un sourire, réconfortant, tandis qu’il perçoit sur le visage de sa créatrice, un ombre d’impatience. Oui, sa mère avait vécue de longues années parmi les siens, avant que Barrius ne l’épouse, et face d’elle sa Reine.
Levant les yeux, il fut époustouflé par la beauté de la cité Elfe, qui se dressait maintenant face a eux… Oui, les elfes étaient des bâtisseurs incroyables, même si bien différant des nains. La Grande porte d’accès au château était a vue, mais le prince n’avait pas encore la force nécessaire pour croiser a nouveau le regard de celle qui avait tant d’années bercé son cœur de ses chants mélodieux et de son regard flamboyant. S’écartant avec sa monture, il fit signe a Kiryos qu’il partait inspecter les environs, même si son ami n’était pas dupe.

Le cheval lançait au pas rapide, se dirigea seul, vers la lisière des bois dorées, qui entoure l’ensemble de la cité Elfique, la rendant vulnérable à des attaques venant de cette forêt ci merveilleuse soit elle… Doucement, la monture du prince évitait les arbres gêneurs. Pour enfin s’arrêter prêt d’un ruisseau, pour s’abreuver de ce long voyage difficile depuis le palais Céleste. Descendant a fin de laisser son cheval se reposer un peu, Ayden regarda un bref instant les environs… Jusqu'à ce qu’un bruit de clappement d’eau l’interpelle.
Doucement, sa main se dirigea instinctivement vers la garde de son arme, tandis qu’il s’avançait vers la naissance de ce bruit étrange.
Des Phrase alors, venant d’une personne parlant l’Elfique, et le Basique, sortirent du lac, qu’il ne pouvait pas encore voir, tant la végétation était danse par ce coin ci. Une voix féminine, mais qui pouvait venir de n’importe quelle race. Une Elfe noire ? Une orque ? Serrant un eu plus la garde de son épée, Ayden avança encore, pour enfin apercevoir, le bout en bois d’une arme qu’il connaissait bien… Un Arc. Sans attendre, il s’en saisit, prêt a le tirer pour éviter de laisser le temps a son adversaire de le faire, mais la résistance du mouvement lui indiqua qu’il était déjà trop tard. Il s’approcha un peu plus du bord de l’eau, et enfin son regard croisa celui de l’inconnue Sirène.

Son cœur s’arrêta un instant de battre… Les cheveux mouillés, les yeux perçants et conquérants a la fois. Ce visage aux traits parfaits et cet air princier… Il ne pouvait y croire… Elle devait être a la cérémonie, cela ne pouvait pas être…

« Elrinna ?? »

Impossible de ramener son arc à elle. Les yeux ancrés à ce regard si troublant, le corps de la princesse se hissa progressivement hors de l’eau. Lentement, l’eau argentée glissa contre les pores de cette peau si claire, tachetée par la lune céleste. Elerinna trembla légèrement. La brise nocturne n’y était pour rien puisque l’air était si doux, presque brulant. La silhouette se sortit complètement de son bain, dévoilant son accoutrement simpliste, ses pieds nus et ruisselants vinrent frôler la verdure moelleuse du sol. Le bras toujours tendu, les doigts se refermaient fermement sur le manche de son arc, ses prunelles pales ne lâchèrent pas celles de son interlocuteur.

- Ayden…

Que faisait-il ici ? Sur les terres du royaume de son père ?
Le banquet…La cérémonie de ce soir lui revint alors à l’esprit. Se pouvait-il qu’il en soit de mise ? Le roi en avait omis de lui indiquer la présence de petit garçonnet d’autrefois qui était son ami inséparable. Le garçonnet avait bien grandit. Mais ce regard…Elerinna ne l’avait jamais oublié. Même si elle l’avait voulu, elle n’aurait jamais pu. Pertinemment, au fond de son cœur, elle le savait. Pourtant un sentiment subsistait… Un sentiment de reproches. Sans pouvoir vraiment l’expliquer, elle lui en voulait. Peut-être lui reprochait-elle de l’avoir laissé il y a maintenant quelques années ? Peut-être par le fait qu’il puisse la hanter autant ?
Et ce soir il était là, face à elle.

Les prunelles argentées de la jeune elfe se voilèrent d’une expression sombre, dubitative et à la fois méprisante. Sa tête bascula légèrement sur le côté dans l’espoir de le toiser méticuleusement, espérant même pouvoir fouiller son esprit. Seulement la magicienne se heurta à un mur. Les maîtres magiciens de son royaume lui avait apprit à utiliser son pouvoir de télépathe et Elerinna le maitrisait d’une main royale… Pourtant Ayden semblait faire l’exception. Elle n’arrivait pas à savoir ce qu’il se passait dans ses yeux si clairs, dans cette âme de jeune prince héritier, dans ce cœur si fougueux qu’elle semblait avoir si bien connue autrefois. Etait-ce si différent en cet instant qu’aux temps de leur enfance ?

Oui !
Elerinna s’obligea à répondre ainsi, bafouant les cris plaintifs de son cœur qui avaient du mal à s’apaiser. Elle se concentra sur son arc et émit une énergie dans sa main qui tenait le bois vernis. L’arc se réchauffa instantanément et la princesse sentit Ayden lâcher prise à cause de la douleur cuisante. Elle ramena son arme à elle et brisa le lien qui avait soutenu leurs regards l’un à l’autre. D’une grâce certaine, elle se baissa près d’un buisson pour y ramasser sa robe blanche. La fluidité du tissu lui glissa entre les doigts. Mais c’est toujours sans le regarder que sa voix retentit à nouveau dans les abysses nocturnes, faisant mouvoir délicieusement les vagues sur le lac et laissant la brise dévaster les branches pour s’insinuer entre eux :

- Que faites-vous ici Ayden de Fynn, fils du grand Roi Barius… ?

Son ton aurait pu être emprunt de méchanceté ou de moqueries mais rien de ceci ne fut énoncé. Elerinna prôna l’indifférence, même une légère once de respect égaya ses paroles. Il est vrai que le peuple elfique était souvent en désaccord avec ceux qui ne leur ressemblaient pas, Elerinna avait eut beaucoup de mal à réfuter les mœurs de ses comparses cependant son père avait eut raison d’elle. Barius les avait sauvés aux temps sombres de jadis. Il était aussi celui qui dirigeait équitablement la grande Némésia et en préserver la paix sur les nombreuses terres de ce continent. Forte tête, la jeune princesse reconnaissait la grandeur du Roi des Rois, mais son affabilité n’était-elle pas ternie par les sentiments obscurs qu’elle destinait fils du roi ? Ou était-elle orgueilleuse aux vue que son propre peuple soit réduit à vivre en forêt, ne plus en gouverner Némésia autant que les autres ? Autant que les grands du pays des elfes le savaient, la révolte avait toujours vaincu l’intelligence de la magicienne. Maintes et maintes fois, ses frères et son père en avaient fait les frais néanmoins ils étaient surs qu’avec l’âge elle façonnerait sa maturité.

Elle se redressa alors, faisant face à son collègue d’enfance. Doucement, elle renversa ses longs cheveux mouillés sur le côté. Ils frôlaient majestueusement ses hanches, laissant ainsi trainer quelques gouttes sur sa peau d’albâtre. Elerinna fit alors glisser une main plane sur toute la longueur pour en extirper l’eau et sécher ses mèches dorées magiquement. Une fois cet entrefaite terminé, elle examina un instant sa robe de voilage, un petit sourire se dessina sur le coin de ses lèvres et, finalement, elle laissa retomber le tissu sur l’herbe fraîche.

- …Ne devriez-vous pas être au festin dont mon père vous a convié ?

Le vouvoiement semblait être la seule barrière capable de résister. Une pointe de cynisme déchira sa voix. Une fois de plus l’elfe vrilla ses iris à celle du prince puis détourna brusquement la tète.
Pourquoi ne pas se repaitre de sa vue pendant encore quelques secondes ? Cette beauté qui la faisait tant défallire.
Pourquoi ne pas courir dans ses bras et se libérer des chaînes qui oppressaient ses fins poignets ? Pourquoi ne pas désobéir à ses convenances et repousser l’orgueil qui la tenaillait ? Pourquoi ne pas gouter à ses lèvres si tentantes…plutôt que tenter de repousser l’insurmontable alors qu’il déstabilisait toutes ses nuits depuis leur rencontre ?

- Pourquoi… ? Chuchota-t-elle.

La main parqué sur l’arme de bois noble, le prince n’en revenait toujours pas. Face à lui, se trouvait bel et bien la jeune enfant de ces belles années, ou tout deux ne vivaient que de jeux et d’aventures rocambolesques. Comment oublier ce regard d’azur, et ce visage alliant grâce et merveille a la fois. Son cœur émis un grand battement, tandis que son souffle s’accéléré légèrement… Combien de fois avait il imaginé cette rencontre, ou enfin il pourrait la voir seul à seul, ou enfin ils pourraient tout deux reparler de ces temps anciens, ou tout deux étaient inséparables, en cette époque pas si lointaine, ou il était heureux… Le silence était ici comme une mise en scène, eux deux, les acteurs de ce théâtre magique… Une pièce inoubliable, et qui pourtant était loin d’être écrite.

La jeune femme sortit alors doucement de l’eau qui couvrait jusque à présent son corps… Il déglutit avec difficulté, tandis que ses yeux noisettes suivait le délicat albâtre de la peau d’Elerinna, les goutes tombant en cascade le long de son corps merveilleux… Il suivait chacune de ces larmes d’argents, pareille à des chevaux sauvages, qui prenaient les chemins à l’aléatoire, au gré de leurs envies, fière et libre de tout. Ce fut la voix de l’elfe majestueuse qui le fit sortir de son observation un peu trop poussé… Redressant rapidement la tète, il sentit lui monter le rouge aux pommettes…
Il était rare que le prince se laisse ainsi aller à de tels image ou actions, mais avec Elerinna, il en avait toujours été ainsi. Enfants déjà, elle avait ce don incroyable de lui laisser le droit d’être comme il était, et lui, intimidé par cette douce et belle amie, laissé son cœur enfin s’exprimer librement. Loin de tout orgueil ou de tout ressentit négatif, il se sentait aujourd’hui, en cet instant, pousser des ailes d’ange, a revoir cette déesse de son enfance… La jeune fillette avait bien grandit, loin de cette image enfantine, elle était la représentation de la femme dans toute sa splendeur.

La voix d’ange s’éleva alors lentement dans l’air ambiant… Magnifique et cristalline, comme dans son souvenir, il trouvait a son prénom, une magnificence quant c’était elle qui le prononcé. L’étonnement, tout aussi grand que le siens, pouvait s’entendre dans sa voix, mais aussi se lire dans les deux prunelles argentées. Il retrouvait l’image de cette fillette si attentive et si attentionnée envers lui, confidente, amie de toujours. Seulement… Oui… Seulement elle avait finit par partir un beau jour… Le laissant seul, abandonné de sa présence, de son contact, de son aura magique et irrémédiable, il en avait pourtant besoin, d’elle, de ses mains, de son sourire, de ses rires… Toute sa jeunesse avait été ternie par cette absence. Il demandait des nouvelles a son père, par le biais de ses voyages diplomatiques, mais jamais la jeune princesse de Mild’or ne lui avait envoyé la moindre missives…

Il se souvenait cette douleur, cette absence, ces longs mois à espérer, mais jamais, non jamais, il n’eu les mots tant attendu. Quelque part au fond de lui, l’hériter du trône de Némésia, garda l’espoir de recroiser les yeux magique de la princesse de Mild’or. Il le ressentit alors… Cette caresse dans son esprit… Cette vague de pouvoir qu’il connaissait tellement. Oui, Elerinna était en train de jouer avec ses pouvoirs, il aurait reconnu cette onde entre mille. Que faire ? La laisser trouver des choses bien compromettantes ? Les sentiments naissants pour cette fillette devenue femme, une princesse de cœur avant d’être une héritière Ou bloquer l’accès a cet espionnage ?... Les De Fynn avaient tous le pouvoir de bloquer hermétiquement leur esprits. Ne subissant pas les rouages de la magie, ils n’en possédaient pourtant pas les secrets…
Mais le pouvoir disparut… Le laissant soudain perplexe. Elerinna n’était pas connue pour abandonner facilement, pourtant ici, elle n’avait pas insisté… Il haussa un sourcil, mais très vite, une vive douleur le ramena à la réalité… L’arc chauffa de lui même, comme un volcan entrant en éruption soudaine. La main en ressentit les picotements, puis finalement, la douleur vive d’une brulure. Il lâcha l’arme possédait, dans un légers soupir de douleur, tout en la regardant de biais. La jeune elfe avait toujours recours a ses pouvoirs de feu quant elle était agacée.

Il en aurait presque rit, tandis qu’elle se courbé lentement pour ramasser ses tissus blancs et pure… Mais la phrase qui suivit, eu l’effet d’un coup de poignard dans le cœur pourtant heureux du jeune prince Ayden… Elle le vouvoie… Jamais au grand jamais il ne c’était attendu a cela de la part de celle qui le connaissait mieux que personne, peut être même mieux qui lui même… Et pourtant elle venait de le faire, avec toute l’attitude qu’exigeaient la prestance et la neutralité de son rang… Il en eu un mouvement de recule, manquant même de perdre pied, tandis qu’elle continuait a faire comme si il n’était pas la, au pire même, faire comme si il n’était qu’un prince, le fils de Barius l’Usurpateur, comme certains Elfes le nommés.
Il avait l’impression de suffoquer… Etait ce l’armure qui lui tenait trop chaud, mais alors, pourquoi ce frisson glacé le long de son échine ?

Les yeux d’Ayden cherchèrent alors la réponse dans ceux de sa princesse…
« Pourquoi… ? » Souffla-t-il dans un silence… Une question pour lui seul, et pourtant…
Mais de nouveau, il croisa le regard de celle qui avait hanté ses jours et ses nuits, celle sans qui plus rien n’avait la même saveur, celle qui lui avait tant manqué durant toute ces années d’absence, et qui aujourd’hui, le traité comme un vulgaire étranger… Avait-il eu raison de douter de ces sentiments d’enfance… ?... Elle venait de lui donner la réponse… Oui !

De nouveau, les coups de poignards… Les questions, très protocolaires, tellement entendu et épuré par les pales courtisanes qui venaient au château de Némésia, demandant audience auprès du prince Héritier, dans l’espoir de le séduire… Elerinna n’était pas comme cela, ou tout du moins, elle ne l’était pas dans une autre vie, vie qu’elle semble avoir laissé mourir, sous sa prestance certes royale, mais tellement amère pour lui… Il recula une nouvelle fois, pour finalement mieux se camper sur ses jambes. Il inspira un grand coup, laissant son chagrin tomber au plus profond de son être… Ne pas lui montrer qu’il était vulnérable aux mots de celle qui comptait tant pour lui, devenir ce qu’elle souhaite, devenir le Prince Ayden de Fynn, Futur Roi de Némésia.

« Je pensais retrouver une amie, mais au final, je crois m’être trompé… Elle a du quitter le royaume il y a fort longtemps je le craint, Elerinna, Princesse de Mild’or »

Il se recula, la laissant s’habiller en toute tranquillité, et un instant, ses yeux se portèrent sur un arbre qu’il avait oublié depuis tellement de temps… Un mince sourire illumina le visage caché du Prince… En lettres elfiques, face a lui, se trouvait leurs noms gravés, entouré d’un cœur maladroitement dessiné dans le bois immortel… Il se souvenait de ce passage de sa vie, avec elle… Symbole d’une union rêvée entre deux jeune cœurs innocents. Il serra le poing… Comment ? Pourquoi ? Elerinna ne pouvait avoir oublié cela ! Soupirant, afin de laisser tomber sa peine, il ne se tourna pas en lançant ses phrases soigneusement…

« Vous avez raison Princesse Elerinna, je ne peux faire attendre votre père et le miens plus longtemps… Mais, revoir cette foret a eu la bonne occasion de rétablir certaines questions que je me posais… »

Se tournant légèrement vers elle, il s’inclina, respectueusement face a quelqu’un de son rang.

« Je vous reverrez donc au banquet, tout du moins, nous nous recroiseront Princesse… »

Il s’éloigna alors doucement, les yeux mi clos, le cœur battant la chamade, effet de ce mensonge, de cette peine d’avoir retenue ses questions, sa colère…

« Pourquoi… ?... »